6 mars – 8ème épisode

Alix vient de fermer le cadenas de son vélo quand une main se pose sur son épaule.

– Hello Alix ! la salue Simon aussi joyeux que possible.

– Salut, tu as l’air bien content.

– Oh il a cessé de pleuvoir, je suis un homme simple tu sais.

– Haha, tu me mets clairement de meilleur humeur que mon appel matinal avec Mathias !

– Monsieur 7h30.

– C’est son nouveau surnom ? Plus de « gendre idéal » ?

– Non, un gendre idéal ne te renfrogne pas dès le matin.

– Pas faux. Monsieur 7h30… Froid et efficace, ça lui va bien.

Simon et Alix montent ensemble dans les étages des Quinze-Vingts. Arrivés devant la porte du laboratoire d’Alix celle-ci attrape son téléphone pour composer le code sous le regard amusé et affligé de Simon. Le laboratoire est encore vide, elle est la première arrivée. Stéphane les interpelle du bout du couloir, il n’a pas envie de devoir se souvenir du code. Mathias n’a toujours pas envoyé de technicien.

– Simon ! Alix ! Waouh, je ne la connaissais pas cette chemise ! s’exclame-t-il devant la chemise de Simon couverte de portes bariolées.

– Une acquisition récente, explique Simon, en lui tenant la porte du laboratoire. Tu apportes de bonnes nouvelles ?

– J’ai bien peur que non…

– Bon, vous me raconterez, dit Simon en s’éloignant dans le couloir, franchement ce projet commence à me déprimer !

Alix, son sac encore sur le dos, le casque attaché sur le côté, saisit directement le feutre rouge et le tend à Stéphane qui vient rayer « virus généralisé s’attaquant directement au nerf optique ». 

– Désolé. J’ai passé des heures à éplucher les données. J’ai fait des analyses sanguines supplémentaires, mais je n’ai rien trouvé, ni anticorps signalant un nouveau virus, ni trace de mutation liée à une pollution.

– Tu as fait vite, remarque Alix.

– Enfin, j’ai pas fait ça tout seul. Lucy et Guneet ont bien bossé je dois dire.

– Lucy, rappelle-moi, elle est en post-doc ? demande Alix.

– Oui, et Guneet est en co-tutelle pour sa thèse.

– Tu leur as bien fait signer l’accord de confidentialité ?

– Oui, ne t’en fais pas. J’ai reçu une notification du Monde parlant d’Oculus d’ailleurs.

– Oui la crise est officielle, mais bon le gouvernement veut continuer à contrôler les communications qui sortent du labo. Ils m’ont proposée une intervention télévisée, pas sûre de vouloir ajouter la pression médiatique à la pression sanitaire…

– Et ça va toi ? Tu as l’air… fatiguée.

– Oui, on peut le dire. Petit moral.

– Tu sais, on est une équipe, hein ? Tu n’hésites pas surtout.

– Merci Stéphane.

– Je dois y retourner, mais…

– Oui je n’hésiterai pas, promis. On déjeune avec Simon ce midi. Tu te joins à nous ?

– Avec plaisir.

*

Alix parcourt les infos sur son téléphone pour voir les réactions à la nouvelle.

« La Ministre de la Santé annonce travailler au plus près des professionnels de santé sur le sujet. Une mesure de remboursement plus conséquent des paires de lunettes pour toute la population est dans les tuyaux. L’accès à l’appareil de correction de la vue est devenue une priorité de santé publique. Les mutuelles ne seront pas laissées seules pour assurer le remboursement des lunettes. D’autres mesures seront annoncées par le gouvernement dans les jours à venir. »

Alix allume son ordinateur et parcours rapidement ses mails. La quantité de boucles de mails qu’elle reçoit d’inconnus la laisse perplexe. Comment tous ces gens se procurent-ils son adresse ? Un mail attire son attention. Il est noté « IMPORTANT » et vient du laboratoire de Boston aux Etats-Unis. Un clic et elle lit une description des symptômes de baisse de la vue similaires dans la population américaine. Le 16 janvier est devenu en anglais le « Blurry Day ». Une collègue espagnole a déjà répondu qu’elle avait observé ce même « día del desenfoque » à Valladolid. S’en suivent des messages du Liban, de Suisse, d’Italie, de Russie, de Chine, du Mali et du Sénégal. Tous sont parvenus au même constat. Alix clique sur « répondre à tous ».

     Chers collègues,

Je ne peux malheureusement qu’inclure la France dans le constat que vous dressez. Je vous propose de nous rencontrer à Paris rapidement afin de mettre nos expertises en commun et voir collectivement comment nous pouvons répondre à cette crise sanitaire sans précédent. Si vous en êtes d’accord, retrouvons-nous dès la semaine prochaine, le 13 mars, pour un colloque d’une nature un peu inédite. Je vous enverrai une proposition détaillée demain.

Bien à vous, Alix Duffet

Bonus :

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