Interroger sa mission, sa vocation et son métier en temps de crise

Lors d’un séminaire donné aux entrepreneurs de l’Accélérateur ESS Ile-de-France, un programme opéré par HEC Paris, Michel Santi, professeur émérite, a partagé ses réflexions sur le sens des mots « Mission, vocation et métier » en temps de crise.

ACCELERATEUR ESS - Dialogue Business et Philosophique - Raphaëlle Chaygneaud-Dupuy

Voici un extrait de la vision du Professeur qui a suscité de nombreuses discussions lors des sessions de tutorat. Notre cheffe de projet Raphaëlle Chaygneaud-Dupuy, témoigne en ajoutant une perspective philosophique.

Michel Santi

« Mission, vocation et métier sont 3 termes communément utilisés dans les entreprises avec, la plupart du temps, peu de distinctions, ce qui favorise un mélange des genres peu propice à l’analyse et aux réflexions.

Le terme « Mission » a repris toute son importance à l’occasion de la loi Pacte de mai 2019 qui, en France, introduit les sociétés à mission, celles qui se définissent une raison d’être fondée sur des objectifs sociaux et/ou environnementaux. Quant à la « vocation » il s’agit de ce que les américains nomment « the big picture », à savoir l’idéal que ce que voudrait être/réaliser l’entreprise à long terme. Cela relève d’un futur idéal souhaité qui guidera la stratégie de l’entreprise.

Le métier, en revanche, exprime de manière beaucoup plus concrète l’espace concurrentiel dans lequel l’entreprise agit. Mais la manière dont l’entreprise le définit la conduit à des choix (ou des non-choix) naturels. Lorsque l’entreprise définit son métier par son produit (Haemmerlin se disait ainsi l’empereur de la brouette) ou son activité (les vaccins par exemple) ou une zone géographique (l’Afrique pour la CFAO il y a quelques années), en concentrant ses moyens, elle peut devenir extrêmement performante et ses aires de liberté sont alors l’expansion géographique dans les premiers cas ou les produits et activité dans le dernier.

Mais son champ de « diversification » est bien plus restreint que si elle définit son métier par une combinaison de compétences clés que l’on retrouve dans toutes ses déclinaisons produits/activités. Comment expliquer ainsi que BIC ait pu passer des stylos aux briquets puis aux rasoirs (certains diront qu’il s’agit d’objets jetables ; mais alors pourquoi pas des mouchoirs !!!) si ce n’est en comprenant que ces 3 produits relèvent de 3 compétences clés communes : savoir-faire en plastique moulé (conception et production), gestion d’un réseau de distribution multicanaux quasi similaire et marketing de produits à coûts/prix très bas. Et que plus BIC développe de nouveaux produits fondés sur ce triptyque de compétences, plus elle les améliore au profit de l’ensemble de sa gamme. »

Texte signé par Michel Santi 


aphaelle Chaygneaud Dupuy

« Comment définir ma mission, ma vocation, mon métier ? Et qui dans l’entreprise répond à ces questions ? Est-ce le dirigeant seul ou avec son comité de direction ? Ou doit-on impliquer toute l’entreprise ? Et nos clients ? Face à toutes ces questions qui émergent suite à la formation de Michel Santi, faisons un détour par la philosophie et plus particulièrement par le perspectivisme. 

Prenons une pomme. Un enfant peut y voir son goûter, un arboriculteur le fruit de son travail, un pâtissier sa matière première ou encore une peintre son modèle. Si chaque personne voit le monde différemment, alors la « vérité » d’une pomme devrait se trouver à l’intersection des perspectives. 

On peut appliquer la même réflexion à l’exemple de la société BIC proposé par Michel Santi. Imaginons que le directeur de la BU (Business Unit) des stylos et le directeur de la BU des briquets n’aient pas le même point de vue, l’un parlant d’écriture et l’autre de feu.  Comment alors faire collectif ? En demandant à ses collaborateurs ou à ses clients, on récolterait des points de vue qui risquent de diverger largement. Attention alors au relativisme qui veut que toutes les perspectives se valent ! Dans l’exemple de BIC, les visions des directeurs de BU (fictifs, bien sûr) sont justes, au vu de leur métier, mais demeurent parcellaires. 

Trouver la vocation de son entreprise, c’est passer du puzzle éparpillé à l’image sur la boîte : ce n’est pas la perspective d’un seul, ce n’est pas la somme de points de vue, mais l’assemblage unique qui permet de constituer une image claire et compréhensible de tous. Tout comme un puzzle est un jeu de patience, la vocation nécessite un aller-retour entre le détail précis des mots choisis et l’image d’ensemble. Cela requière du temps, pour laisser décanter la réflexion. La vocation transcendera les visions individuelles à l’issue d’un travail stratégique et collaboratif. 

Ainsi à l’énoncé de la vocation de BIC, à savoir « Délivrer sur le marché B2C des produits jetables (recyclables) à prix bas et à fonction purement utilitaire », sans doute nos deux directeurs se sont-ils accordés. Quand on l’énonce, la vocation devient évidente et les équipes peuvent s’y rallier. La mise en mot d’une vocation commune permet alors de formaliser une culture d’entreprise et la raison d’être du collectif. On entendra alors dans les couloirs des « chez nous, on… « 

Réflexion mise en mots par Raphaëlle Chaygneaud-Dupuy

Article publié le 2 juin 2020 sur le site d’HEC Paris : https://www.hec.edu/fr/institut-entrepreneuriat-innovation/actualites/interroger-sa-mission-sa-vocation-et-son-metier-en-temps-de-crise

Bonus :

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