11 mai – 18ème épisode

Il est 22h quand la sonnerie de l’interphone retentit. Alix émerge de la lecture d’un article sur la démocratie sanitaire que Johannes, le chercheur de Lausanne, lui a partagé.

Ce ne peut être que lui à cette heure-ci. Elle scanne la pièce rapidement, rien à cacher sinon du papier sous toutes ses formes, accompagné de tasses de thé.

– Oui, entre, deuxième étage gauche.

Alix démarre la bouilloire, sort deux tasses et fait de la place sur la table basse. Un faible coup à la porte signale son arrivée. Alix déverrouille la serrure et laisse entrer Mathias. Il murmure un bonsoir fatigué avant de s’effondrer sur le canapé. Alix verse l’eau chaude.

– Je t’écoute.

– Oui, hum, désolé pour l’autre jour, dit Mathias en se redressant. Je suis un peu sous pression. Mon poste ne tient plus qu’à un cheveu. Je sors de 3 jours de sommet multilatéral avec les membres de l’OCDE. Je suis lessivé. Le pire, c’est qu’on n’a pas avancé. Un exercice 100% vain. Pas l’ombre d’une solution de sortie de crise.

– Oculus ?

– Non, enfin en partie. Le bug du stockage d’images. Plus vraiment un bug d’ailleurs, mais plutôt une panne généralisée et sans réparation possible, il semblerait.

– Tu veux dire que l’humanité a perdu d’un coup toutes ses images stockées dans les serveurs.

– Oui, j’en ai bien peur. Ils étaient tous interconnectés. On n’arrive pas à comprendre comment les serveurs de secours ont pu aussi lâcher.

– Est-ce que la solution de ton copain de promo Edouard n’y est pas pour quelque chose ? C’est ce que j’ai cru comprendre aux infos.

– Si, répond d’une petite voix Mathias.

– Une association de consommateurs s’est déjà constituée pour l’attaquer en justice.

– Je sais.

– Il faut dire qu’il avait réussi à contourner la neutralité du net et à dépasser les services de streaming en ligne de séries en termes de bande passante !

– Tu as mémorisé le journal télévisé par cœur ?

– Juste une citoyenne concernée.

Mathias n’ose pas la regarder dans les yeux. Il boit une gorgée de thé et se brûle la langue.Ah oui, le thé c’est chaud, ironise Alix. Cela nécessite un peu de patience.

– Hum, dis Alix, je voulais te dire. Enfin, Je suis désolé de la façon dont on s’est quitté. Professionnellement je veux dire. Je ne me suis pas bien comporté, je me suis un peu laissé emporter. Le feu de l’action sans doute. Manifestement je ne résiste pas aussi bien au stress que je l’imaginais.

– Désolée d’avoir été dure. Les techno-enthousiastes ont le don de me faire sortir de mes gonds. Mais ce n’est pas une raison.

– Tiens, tu fais des rimes.

– Haha, oui pendant que tu deviens revendeur de lunettes high tech, moi je vire dans la poésie.

– Euh, et la science ?

– Ça va de pair. Plus sérieusement, je pense que nous avons cherché dans la mauvaise direction. Il ne fallait pas regarder l’œil mais ce que voit l’œil, le monde.

– Oui donc tu t’es recyclée dans la philosophie, après la poésie.

– Je suis sérieuse. Nos yeux n’ont pas de problème clinique. Il aura fallu toute une équipe de chercheurs pour aboutir à une absence d’explication. Non, nos yeux voient comme avant, mais le monde est devenu flou.

– Dire que Julien n’a pas voulu de ton hypothèse ! dit Mathias narquois.

– Haha, très drôle. Non, il a arrêté de m’appeler à la longue. N’étant plus impliquée dans Oculus, j’ai dû perdre toute valeur journalistique.

Alix lui raconte son long entretien avec le professeur d’astrophysique. L’espoir d’une explication du phénomène n’est pas tout à fait éteint, mais pas pour tout de suite.

Bonus :

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