La création de concepts peut s’avérer clef dans le champs politico-juridique. Ainsi le mot « génocide » a été forgé à partir du grec ancien γένος, génos, soit la « race » et du latin caedo, soit « tuer ». Avec le génocide, on ne tue plus des personnes, mais un peuple. Ce nouveau concept, forgé par Raphael Lemkin en 1944, était nécessaire pour nommer devant le tribunal de Nuremberg les actes commis par le régime nazi et rendre possible une condamnation. La réalité dépourvue de mot n’aurait pas permis le jugement.
Dans la même veine, suite à l’Apartheid, l’Afrique du Sud s’engage dans un travail de plusieurs années pour comprendre cette période trouble. Voici un extrait de l’excellent livre La douleur des mots, Antjie KROG, journaliste radio ayant couvert la Commission Vérité et Réconciliation :
« Les onze langues officielles, disposent-elles des mots nécessaires pour rapporter les travaux de la Commission ? Un collègue zoulouphone perd son calme : « Mais bien sûr ! Et si les mots n’existent pas, on les inventera ! » Il fournit une liste. »
- un commando de tueurs abasocongi « les tordeurs de cou »
- un massacre issibicongo « un écrabouillage »
- un tueur en série umbulali onequngu « un tueur invétéré »
- une embuscade lalela unyendale « allongé en attendant de faire le mal »
- la politique ezombusazwe « la chose qui gère la terre »
Connaître ces mots, et notamment leur traduction littérale, apporte un nouveau regard sur des réalités qu’on désigne sans s’y attarder. Grâce à ce journaliste de nouvelles images viennent à l’esprit. Elles renouvellent notre façon de voir ces événements.