Le persan s’écrit avec presque le même alphabet que la langue arabe. Quelques sons diffèrent, des lettres ont donc été ajoutées passant de 28 lettres à 32 : چ (tché), گ (gâf), ژ (jé), پ (pé). Dans le même temps certaines lettres se prononcent pareil en persan : ت = ط (t), س = ص = ﺙ (s), ﺡ = ﻫ (h),
ﺫ = ﺯ = ﺽ = ﻅ (z), ﻍ = ﻕ (gh). Il y a donc 24 sons, mais 32 lettres. Drame de l’apprenant qui rêve de facilité.
En découvrant les lettres de l’alphabet, je me suis aperçue que mis à part le alef « ا » pour le son « a » (mais aussi les sons « e » et « o ») et le ye « ی » pour le son « i » , il n’y avait pas de lettres pour les voyelles. L’alphabet arabe fait en effet partie des alphabets consonantiques où seules les consonnes sont écrites, comme l’hébreu. Ainsi on lirait alphabet pour le mot lphbt écrit. Il faut donc connaître les mots et leur écriture pour pouvoir les lire. Il n’est pas possible de déchiffrer sauf à mettre des voyelles au hasard, ce qui nuit certainement à la compréhension. Ainsi mt pourrait vouloir dire « mot », « met », « mat », « mit »…
Le persan est passé à l’alphabet arabe en même temps que l’islamisation de toute la région. Auparavant cette langue s’écrivait notamment en pahlavi, un alphabet peu précis et réservée à l’usage d’une élite et de l’administration. Cette mutation s’est faite progressivement avec une coexistence des alphabets précédents pendant les VIIè et VIIIè siècles.
A l’inverse, le passage de la langue turque d’une écriture arabe à une écriture latine s’est fait à marche forcée sous l’impulsion de Mustafa Kemal Ätaturk dans les années 20. La langue est ici un outil politique. En utilisant l’alphabet latin, le dirigeant turc cherchait à moderniser son pays, ce qui passait pour lui par une occidentalisation. Les conséquences de ce choix ont notamment était une perte de continuité culturelle, une génération plus tard certains turcs ne savaient plus déchiffrer les écrits de leurs prédécesseurs. Cette langue leur était devenue étrangère.
Aujourd’hui il est plus facile d’apprendre à lire le turc que le persan. L’écriture est belle, l’effort conséquent. Sans doute un apprentissage du persan par la pratique orale uniquement avec quelques notes en transcription latine (un alphabet passerelle qui varie selon les méthodes de langues) permettrait de se lancer sans découragement dans cette langue mélodieuse.
J’ai découvert à l’occasion de ces recherches l’existence de 2 alphabets en Perse entre le IIIè et le VIIè siècles qui ont été créés spécialement pour conserver à l’écrit des textes religieux. L’écriture avestique vient de l’Avesta, le livre sacré des zoroastriens et l’alphabet manichéen fut créé pour fixer les ouvrages de la foi manichéenne fondée par Mani. Ces alphabets auront servi lors de la création de l’arabe.