Et si nous ralentissions ?

Après quelques mois d’absence, me revoici avec un article pour ralentir… nos débits de parole ! Encore une ode à la lenteur ? Au moins une réflexion pour questionner la nécessité ou non de parler vite pour en dire plus. Car en dit-on plus quand on parle plus vite ? On est fasciné par le rythme des flash infos madrilènes et par la lenteur des présentateurs genevois. Deux voisins, deux extrêmes.

Or une étude de 2019 conduite par des chercheurs du laboratoire Dynamique du langage (université Lumière Lyon II) montre que toutes les langues communiquent la même quantité d’information par seconde (autour de 39,15 bits par seconde), la seule différence entre elles est la quantité de syllabes nécessaires par seconde pour communiquer cette information. Certaines langues sont denses en syllabes, d’autres plus concises.

Selon un des principaux auteurs de l’étude, le linguiste François Pellegrino, « Une bonne façon de voir les choses consiste à dire que, pour être efficaces en termes de transmission d’information, les langues ont le choix entre deux stratégies opposées : soit elles privilégient un débit de paroles élevé au prix d’une faible densité d’information, soit elles font l’inverse. Notre hypothèse est que, chaque fois qu’un changement dans la structure d’une langue a modifié sa densité syllabique d’information, ce changement a également conduit ses locuteurs à modifier en sens inverse leur débit de parole, afin de préserver un débit d’information optimal. »*

SR est le nombre de syllabes par seconde (à gauche) et IR est le nombre de bits par seconde (à droite)
Méthodologie : 170 locuteurs de 17 langues différentes lisent à voix haute des séries de textes
Source : https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aaw2594

Cette étude est pour moi fascinante car elle met en lumière un mécanisme très darwinien concernant les langues : une logique d’efficacité des langues pour transmettre l’information, car parfois la communication est vitale en cas de péril.

Je serai curieuse d’une étude similaire (si elle n’existe pas déjà) se penchant sur les locuteurs de langues étrangères. Un natif transmet sans doute plus de bits par seconde, plus d’information par seconde, qu’une personne dont ce n’est pas la langue maternelle, qui a du l’apprendre. Instinctivement et par expérience, on sent bien qu’on est longtemps moins rapide à partager l’information que dans sa langue maternelle. Cela nous impose de nous poser plus de questions avant de parler et d’ainsi ralentir. Néanmoins selon la langue de départ et la langue d’arrivée, il se peut que ralentir soit exactement ce qu’on attend du locuteur, par exemple en passant du japonais au thaï, de l’espagnol à l’allemand ou même du finnois à l’anglais.

* Source des citations : article des Echos, « Les fascinants secrets des langues », 5 octobre 2019

Pour lire l’étude plus en détails (et en anglais) : https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aaw2594

Bonus :

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