Fabriquer de nouveaux mots – épisode 1

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Sans doute pour apporter un nouvel éclairage sur un mot tellement usité qu’on ne pense même plus à son sens. Cette réinvention poétique s’illustre parfaitement dans le concept de « kenning ». Ce mot du Vieil Anglais (aussi utilisé dans le monde scandinave) désigne une figure de style où l’on remplace un mot par un mot composé pour créer une métaphore. En voici quelques exemples :

  • hronrad = whale-road ou baleine-route veut ainsi dire océan
  • heathaswat = battle-sweat ou bataille-sueur désigne le sang
  • heofoncandel = sky-candle ou ciel-chandelle signifie le soleil

Ce type de structure n’est plus d’usage aujourd’hui. Pourtant accoler deux mots ensemble permet d’en fabriquer de nouveaux pour faire exister dans la langue de nouvelles réalités. Ces mots pouvaient être absents du vocabulaire pour de multiples raisons : une expérience n’avait encore jamais été vécue par les locuteurs (épisode 2) ou un objet n’avait pas encore inventé (épisode 1).

Ces objets technologiques se teintent alors d’une certaine poésie qu’ils ont perdu à nos oreilles.

  • En sanskrit,
    – दूरभाषं ou dūrabhāṣaṁ se traduit littéralement par « voix lointaine sans fil », soit le téléphone,
    – वैद्युतकसन्देश ou vaidyutakasandeza veut dire « message éclair », soit notre message éléctronique ou email.
  • En sango (langue des piroguiers de Centrafrique), la neige devient de la poussière de froid, à l’image de la poudre des parois du congélateur.

Les Académiciens tentent de forger eux aussi de nouveaux mots pour éviter l’emprunt direct à l’anglais, mais leurs termes, comme courriel, manquent selon moi de la poésie qui favoriserait leur adoption.

Bonus :

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