Plein les yeux

[Mise à jour le 17/02/2020]

Un tour du mot blick, « regard » en allemand, m’a amené à me questionner sur la façon dont l’anglais et le français « regardaient » aussi le monde. En effet l’allemand fonctionne comme des wagons qu’on ajouterait pour créer un train porteur d’un nouveau sens. Barbarin Cassin parle d’une « métaphysique des particules » :

« En allemand (…) vous prenez un nom ou un verbe et vous mettez devant ou derrière des petits machins, des particules, in ou aus par exemple. Ces particules désignent le lien, le temps, la manière, et cela produit un mot nouveau. En français nous avons du mal, nous pouvons un peu le faire, mais un peu seulement.

Barbara Cassin – Plus d’un langue, édition Bayard, Les petites conférences
  • aus = extérieur > aus+ blick = la vue ou encore l’ouverture à la fin d’un récit. Un anglais dirait outlook, même si le sens peut varier notamment dans l’expression an outlook on life qui se traduit par « une façon de voir la vie » en français.
  • ein = intérieur > ein + blick = un regard vers l’intérieur. L’anglais fonctionne de la même façon in + sight soit une vue à l’intérieur, mot fort pratique pour l’espionnage industriel ou la meilleure compréhension grâce à des informations venues de l’intérieur. En français on pourrait parler d' »aperçu », qui se focalise sur le fait que l’information est incomplète, et non sur la position de l’observateur.
  • hin = jusqu’à > hin + blick = regard porté vers l’avenir,
    soit la prospective, en anglais et en français.
  • rück = arrière > rück + blick = regard porté vers le passé,
    soit la rétrospective, en anglais et en français.

Pro et retro sont des préfixes qui viennent s’ajouter à –spective tout droit venu du latin spectare ou… regarder bien sûr ! Si on tire le fil, la perspective permet de « voir à travers » ou durchblicken en allemand.

Look ou regard ou blick, et sight ou vue ou sicht permettent d’appréhender le monde par un même sens. La prépondérance de l’œil pour se projeter en mots dans le temps et dans l’espace ne laisse de la place aux autres sens qu’exceptionnellement, quand on le sent ou pas… On dira par exemple, j’ai un mauvais pressentiment, I have a bad feeling ou Ich habe ein schlechtes Gefül… L’intuition relève du sentiment, plus que ce que l’œil peut nous révéler.

Bonus :

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