Ce blog d’une amatrice de langues est une tentative modeste de faire des ponts entre des cultures et des langues en partageant des trouvailles sur le langage et en espérant susciter une réflexion faite de rebonds. C’est la curiosité qui aujourd’hui me pousse à écrire pour partager cet amour des mots avec d’autres curieux. 1ère réflexion : il y a 2 mots en français, langues et langage, quand l’anglais n’a que languages. En français on distingue les langues, comme le turc ou le swahili, et le langage comme moyen de communication.
Je suis amoureuse des langues pour ce qu’elles nous laissent entrevoir de la culture qui les parle. J’aime découvrir les particularismes, les hybridations et les expressions traduites littéralement. Je collecte ces pépites glanées au cours de voyage et au fil des lectures sur ce blog.
Derniers articles :
- Et si nous ralentissions ?Après quelques mois d’absence, me revoici avec un article pour ralentir… nos débits de parole ! Encore une ode à la lenteur ? Au moins une réflexion pour questionner la nécessité ou non de parler vite pour en dire plus. Car en dit-on plus quand on parle plus vite ? On est fasciné par le rythme des flash infos madrilènes et par la lenteur des présentateurs genevois. Deux voisins, deux extrêmes. Or une étude de 2019 conduite par des chercheurs du laboratoire Dynamique du langage (université Lumière Lyon II) montre que toutes les langues communiquent la même quantité d’information par …
- La joie du tonMorceaux choisis dans le livre Un anthropologue en déroute de Nigel Barley, anthropologue et conservateur au British Museum qui décrit avec humour son étude de terrain en pays Dowayo, dans les montagnes du Cameroun. « Les Dowayo ne peuvent pas mesurer les difficultés rencontrées par un Européen qui apprend leur langue, tonale : le ton, aigu ou grave, sur lequel un mot est prononcé en change le sens. De nombreuses langues africaines ont deux tons ; les Dowayo s’en offrent quatre. Passer d’un registre élevé à un registre bas ne représente pas de diffilcutés, mais entre les deux il peut se …
- Fabriquer de nouveaux mots – épisode 2La création de concepts peut s’avérer clef dans le champs politico-juridique. Ainsi le mot « génocide » a été forgé à partir du grec ancien γένος, génos, soit la « race » et du latin caedo, soit « tuer ». Avec le génocide, on ne tue plus des personnes, mais un peuple. Ce nouveau concept, forgé par Raphael Lemkin en 1944, était nécessaire pour nommer devant le tribunal de Nuremberg les actes commis par le régime nazi et rendre possible une condamnation. La réalité dépourvue de mot n’aurait pas permis le jugement. Dans la même veine, suite à l’Apartheid, l’Afrique du Sud s’engage dans un travail …
- Fabriquer de nouveaux mots – épisode 1Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Sans doute pour apporter un nouvel éclairage sur un mot tellement usité qu’on ne pense même plus à son sens. Cette réinvention poétique s’illustre parfaitement dans le concept de « kenning ». Ce mot du Vieil Anglais (aussi utilisé dans le monde scandinave) désigne une figure de style où l’on remplace un mot par un mot composé pour créer une métaphore. En voici quelques exemples : hronrad = whale-road ou baleine-route veut ainsi dire océan heathaswat = battle-sweat ou bataille-sueur désigne le sang heofoncandel = sky-candle ou ciel-chandelle signifie le soleil Ce type …
- Parlons chiffonLes vêtements quand ils ne sont plus neufs prennent toutes sortes d’appellation. En français on parlera « d’occasion » en se concentrant sur le prix moins élevé qui en fait une bonne affaire, ou de « fripe » en attirant notre regard sur leur aspect froissé, contrairement aux vêtements des magasins bien pliés et repassés. Pour redorer leur blason, ces vêtements peuvent être labellisés « vintage » ou encore devenir un plaidoyer écologique dans la veine du « zéro déchet« . Passons en revue quelques langues. L’anglais, tout comme la plupart des langues latines, s’attardera plus sur le changement de propriétaire du vêtement, l’occasion devient alors la « second …
- Le tour du doubleLa naissance de ce blog doit beaucoup à la lecture des pages de La cité des mots. Alberto Manguel explore 5 mythes qui éclairent notre société contemporaine. Le premier parle de la figure de l’étranger, du double… J’ai ainsi redécouvert l’épopée du Mésopotamien Gilgamesh, fondateur de la ville d’Uruk. Devenu roi, il est si colérique, que les habitants de la ville en appellent aux Dieux pour leur porter assistance. Ces derniers envoient alors Enkidu, un être sauvage, qui, après s’être battu avec Gilgamesh, finit par l’embrasser (au sens premier). Tout deux, pourtant diamétralement opposés, deviennent comme frères, l’un est le symbole de …
- Plein les yeux[Mise à jour le 17/02/2020] Un tour du mot blick, « regard » en allemand, m’a amené à me questionner sur la façon dont l’anglais et le français « regardaient » aussi le monde. En effet l’allemand fonctionne comme des wagons qu’on ajouterait pour créer un train porteur d’un nouveau sens. Barbarin Cassin parle d’une « métaphysique des particules » : « En allemand (…) vous prenez un nom ou un verbe et vous mettez devant ou derrière des petits machins, des particules, in ou aus par exemple. Ces particules désignent le lien, le temps, la manière, et cela produit un mot nouveau. En français nous avons …
- Fréquence stress – parler dans une langue étrangèreIl faut faire un détour par le japonais pour mettre des mots sur le complexe qu’on éprouve à parler une langue étrangère. Pourtant on sait les Français en proie aux doutes lorsqu’ils s’expriment dans une autre langue : peur de sonner ridicule, de ne pas être assez bon, de faire des fautes de prononciation, d’intonation, d’accord, etc. Ce stress ressenti lorsqu’on parle une langue étrangère se dit yoko meshi, soit « manger son repas de côté », ce qui en effet est peu pratique !* Pour parler une langue étrangère, il faut accepter de devenir quelqu’un d’autre, comme le souligne Haruki Murakami. …
- Les grands noms de la technologieJe propose dans cet article un passage en revue complètement subjectif des noms d’acteurs du secteur de la technologie ou « tech », à la recherche d’une polysémie probablement non intentionnelle de la part des acteurs qui ont donné le nom à leurs structures. Station F fait référence à la Halle Freyssinet, gare qui préexista au « campus de startups » voulu par Xavier Niel. Mais si le nom fait volontiers référence à la gare, station en anglais, je préfère penser à la halte que fait le train en gare ou le métro en station. La jeune pousse, startup en anglais, ne fait que …
- Les mots manquantsEn cinéma on parle souvent d’ »image manquante » pour apporter de la valeur à une démarche artistique qui vise à montrer à l’écran une minorité jusqu’alors invisible ou du moins pas assez vue dans les salles obscures. De nombreux livres fleurissent sur les étagères des libraires pour nous révéler les mots qui nous manqueraient. J’ai tendance à penser que ces mots n’existent pas parce qu’une culture donnée n’en a pas nécessairement l’usage. Les concepts portés par ces mots n’ont pas nécessité qu’on les importe ou qu’on les invente. Or la langue importe naturellement de nombreux mots que chaque année les lexicographes …
- Choix d’alphabet – turc et persanLe persan s’écrit avec presque le même alphabet que la langue arabe. Quelques sons diffèrent, des lettres ont donc été ajoutées passant de 28 lettres à 32 : چ (tché), گ (gâf), ژ (jé), پ (pé). Dans le même temps certaines lettres se prononcent pareil en persan : ت = ط (t), س = ص = ﺙ (s), ﺡ = ﻫ (h), ﺫ = ﺯ = ﺽ = ﻅ (z), ﻍ = ﻕ (gh). Il y a donc 24 sons, mais 32 lettres. Drame de l’apprenant qui rêve de facilité. En découvrant les lettres de l’alphabet, je me suis aperçue …
- Une retraite à deux versantsUne nouvelle fois, je fais des liens entre les langues. Cette fois-ci je tourne autour de la retraite au sens de la fin de l’activité professionnelle. En français déjà, on peut jouer avec le mot, il peut signifier un mouvement, le lieu où l’on vient s’abriter, et aujourd’hui l’argent qu’on perçoit pendant cette période de la vie. Quelle polysémie ! En anglais les retraités sont des pensioners et en allemand ce sont des Rentner. Même s’il y a le mot traite dans retraite, il n’y a étymologiquement aucun lien en français. Au cœur de ces mots, se trouve l’argent perçu …
- Quel lien entre du caviar et une rédaction ?Dans la version du roman Le Maitre et Marguerite de Boulgakov que j’avais, de petits crochets ponctuaient les pages. Parfois un bout de phrase ou une phrase complète, parfois un paragraphe entier. Autant de morceaux qui n’existaient pas lors de la première édition française du livre des années 70, « un livre tout fin » m’a confié ma grand-mère quand le mien plein de crochets faisaient des centaines de pages. Le jeu consistait alors à se mettre dans le cerveau d’un censeur de l’URSS. Pourquoi avoir enlever ce mot, cette histoire ? Cette édition cherchait à montrer l’histoire de ce roman des …
- Ces mots qui traversent facilement les frontièresCe sont les premiers mots qu’un élève en échange scolaire linguistique apprendra : les insultes ! Peu importe la langue, ce sera leur premier sujet de conversation, pour avoir l’air cool de retour dans la cour du collège ou « au cas-où » pour comprendre s’ils sont insultés. Les gros mots français et anglais sont tous liés de près ou de loin à la sexualité et la scatologie. Il s’agit pour les renouveler de les enchaîner les uns aux autres comme des perles à la façon du Capitaine Haddock*. Les Québécois nous semblent donc bien exotiques à fabriquer leurs jurons à partir …
- Compter sur ses doigtsVoici la façon dont un Français (ci-dessus) compte jusqu’à 5… Ce qui étonne un Américain (ci-dessous). Pourquoi se tordre la main à 3 avec ce majeur qui fait de la résistance ? Un anglo-saxon démarre de l’index et y ajoute le majeur, l’annulaire puis le petit doigt et ouvre entier la main à 5. A l’inverse l’index en l’air permet à l’écolier français de demander la parole dans une classe. En fonction de l’écartement entre index et majeur le signe pour 2 peut devenir le V de la victoire popularisé par les soldats américains débarqués en France à la fin …
- Les mots de LiliLili a 93 ans. Lili est ma grand-mère. Lili a du mal à se repérer dans le temps depuis quelques temps. Mais Lili trouve toujours un passage entre les oublis, pour reconstruire un récit, une blague et une pirouette. En voici quelques exemples récoltés à 4 oreilles avec sa fille : Les parents collectent souvent les mots d’enfant, les tournures drôles, imaginées par des enfants qui ne maitrisant pas totalement le langage inventent. Les petits-enfants peuvent faire de même avec leurs grands-parents qui doivent parfois se réapproprier une langue qui leur échappe.
- Trouver des mots chez son voisinLe français et l’anglais sont des emprunteurs de mots fameux. Il y aurait en français 13% de mots adoptés d’une autre langue, dont 25% venus d’Outre-Manche*. C’est un peu plus de 1000 mots anglais que nous avons adopté. Mais je veux m’intéresser aujourd’hui aux pays qui ont plusieurs langues parlées officielles sur leur territoire. Ces pays naviguent d’une langue à l’autre selon les régions, le Canada passe d’ouest en est de l’anglais au français, la Suisse passe d’ouest en est du français à l’allemand avec une pointe sud italienne. Pour les locuteurs de France, le français québécois ou suisse est …
- Aimer ou être l’ami des pommesEn persan tout part du mot « ami » دوست prononcé « doust ». On compose cette amitié avec le verbe « avoir » pour créer le mot « aimer ». سیب را دوست دارم ou cib râ doust dâram ou « j’ai pour ami les pommes ». Le persan tisse une relation d’initimidité propre à l’amitié entre la personne et l’objet de cette affection que ce soit des pommes dans l’exemple précédent ou un être animé. Au coeur du verbe « aimer » le persan introduit un interstice pour créer un lien. Cela me fait penser à une conférence du philosophe François Jullien* en septembre dernier lors du festival du journal …
- Devinez le sens du mot – spécial swahili !Voici des mots en swahili, une langue qui a adopté beaucoup de mots anglais. C’est une langue qui n’aime pas avoir 2 consonnes de suite et dont les mots finissent toujours par une voyelle, même s’il n’y en avait pas dans le mot de départ ! Voici un exemple : skirt (jupe en anglais) > s-i-k-e-t-i. Un « i » séparate le « s » du « k », le son anglais « r » est remplacé par le « e » et enfin le « i » finit le mot d’une voyelle. bia coti picha shati tishati gitaa chipsi Voici les réponses : bia > beer (bière)coti > coat (manteau)picha > …
- C’est pas ma faute ! Je suis au passifLe verre s’est cassé. Ô bonheur du passif français qui ne fait que constater sans désigner de coupable. Voilà le résultat, le verre est cassé. Combien d’enfants français sont venus ainsi rapporter une bêtise laissant le soin aux parents de mener l’enquête pour trouver le coupable de l’accident ? Tous mes professeurs d’anglais m’ont répété que l’anglais à l’inverse préfère l’actif, Claire broke the glass, allant jusqu’à dire que la phrase the glass has been broken « puait » le français. Mon empathie se portait alors vers les enfants anglais qui ne bénéficient pas du même tour grammatical que nous pour se …
- Thé ou café ?Café, coffee, caffè, Kaffee, les Européens découvrent au XVIIème siècle ce que d’autres appellent qahwa, kahawa. Pourquoi cette différence pour une même boisson découverte et diffusée dans le monde connu en peu de temps ? La graine de café originaire d’Ethiopie est d’abod baptisée bunn » (et l’est toujours dans cette région du monde). Les Arabes en assurent la commercialisation sous sa forme comestible, à savoir la boisson désormais dénommée « liqueur apértitive » ou qahwa. C’est au rythme de ses pérégrinations que le mot entame ses mutations sonores de pays en pays : caoua, kaoah, cahvé, cavé… le « wa » de qahwa devient …
- A l’Ost ou à l’West ?Récemment en Suisse allemande, je m’emmêlais les points cardinaux dans un embrouillamini de langues, sachant que je ne parle pas allemand. Interlaken est une ville logée entre deux lacs et possède deux gares : la gare de l’Est, Interlaken Ost, et la gare de l’Ouest, Interlaken West. L’allemand Ost me rappelait le français Ouest, l’autre mot par déduction devait signifier Est. Or l’autre mot, West, était similaire au west anglais. J’allais donc tout le temps à l’Ouest ! J’imagine un étranger face à un plan de Paris qui cherche les gares du Sud et de l’Ouest et ne trouve que …
- Avoir ou être avec, telle est la questionUne culture se révèle dans le choix de ses mots, et particulièrement dans la façon de construire ses verbes. Une notion comme la possession est traduite dans nombre de langues européennes de la même façon : avoir, to have, tener, etc. Un Européen possède quelque chose, cette chose lui appartient. A l’inverse d’autres cultures expriment plutôt le lien de deux éléments entre eux, c’est-à-dire que ces langues se concentrent sur l’existence d’un objet/être et font ensuite le lien avec le « possesseur ». On ne dit pas qu’on a un chat, mais qu’un chat est avec soi. Voici quelques exemples venus de …
- Ni oui ni nonJ’imaginais que toutes les langues avaient opté pour des façons similaires d’accepter et de refuser, de confirmer et d’infirmer. 2 petits mots, courts pour plus d’efficacité. oui – non yes – nosí – noja – neinда / da – нет / niet La première langue à me faire changer de perception a été le turc qui possède des mots plus longs pour cela : evet (oui) et hayır (non). De leur côté les swahiliphones choisissent selon leur origine géographique soit de dire les mots ndio (oui) et hapana (littéralement « il n’y a pas »), soit un son et un signe de …
- Chiffres – lors de votre prochain passage à la station BNFDes petits signes en laiton fixés à chaque contremarche, une devinette pour le passager de la ligne 14. Il s’agit de la numérotation des 19 marches pour sortir de la station de métro BNF écrit en 19 langues. Voici quelques exemples en image des langues choisies par l’architecte Antoine Grumbach : Lors de votre prochain passage par la station, regardez vos pieds pour compter dans la langue de votre choix, même si ce n’est que jusqu’à 19.
- Chaque mot est un oiseau à qui l’on apprend à chanter – Daniel TammetVoilà le livre qu’un jour je rêve d’écrire. Pas exactement celui-là, mais le même type d’ouvrage. Chaque chapitre est un voyage dans une langue avec un angle différent au gré d’une rencontre avec un ou plusieurs de ses locuteurs. Ainsi nous apprenons des mots d’esperanto par des locuteurs natifs, nous apercevons l’Académie Française via le regard d’un de ses membres anglais, nous découvrons la rigueur du bureau islandais en charge de l’approbation ou du refus des prénoms, nous rencontrons des signeurs au Canada, etc. De ce périple à travers les mots et les mondes, je retiens une curiosité pour autrui, …
- Les mots étrangers – Vassilis AlexakisL’auteur de ce récit partage son apprentissage du sango, langue des piroguiers du fleuve Ubangi au cœur de l’Afrique, soit Beafrika en sango ou Centrafrique en français. Connaître son parcours m’a permis de m’autoriser à choisir d’apprendre le swahili, langue d’Afrique de l’est. Par simple curiosité, je me suis plongée dans une nouvelle langue, émerveillée de voir se dessiner une façon de voir le monde étrangère. Et comme l’auteur qui réactive ses réflexions via le sango sur sa langue maternelle, le grec, et d’adoption, le français, le swahili réactive tous mes questionnements sur les langues. Vassili Alexakis choisit de passer …
- L’espèce fabulatrice – Nancy HustonOpposer réalité et fiction est vain, voilà ce que je retiens du livre de Nancy Houston. En effet les fictions que tout groupe humain s’invente implique des actions de ce même groupe. Nous agissons car motivés par des récits, milieu social, pays, religion, histoire familiale, etc. Les histoires ont une effectivité dans la réalité, car elles entraînent l’action des hommes et structurent nos identités et à ce titre elles sont réelles. Certains d’entre nous ont tendance à « enjoliver les faits », à « être marseillais ». Ils partent d’un fait et y ajoutent un vécu qui rend l’histoire captivante. Eux savent que les …
- Accent – petite psychologie des langues[Mis à jour le 17/02/2020] Dès qu’on traverse une frontière, on devient l’étranger. Notre altérité joue alors a cache cache au gré de notre accent. En vivant hors de France mon réflexe était de le gommer afin de ne pas être labellisée d’entrée. Je partage donc la joie de la dessinatrice Clémentine (dessin ci-dessous) dès qu’on me demande si je suis américaine ou anglaise. De même naturellement j’ai adopté le « r » des Belges en les côtoyant, tout en craignant qu’ils ne pensent que je me moque. Mon professeur de linguistique espagnol à UBC nous disait qu’outre la capacité / plasticité …
- Fellini et les languesUne citation du cinéaste italien Federico Fellini au dos de la revue éditée par l’Inalco a attiré mon attention : « Chaque langue voit le monde d’une manière différente ». Le réalisateur a travaillé avec de nombreux acteurs étrangers, on imagine les tournages comme un joyeux mélange d’italien, de français, d’anglais, etc. Le réalisateur se fait alos chef d’orchestre pour faire passer sa vision du monde via une telle diversité de locuteurs. Le jeu des acteurs passait pour Fellini avant leur maîtrise de la langue italienne, leur physique importait plus que leur voix. Ainsi sur les tournages, tous les acteurs jouaient dans …
- Des mots qui s’agglutinent2 langues sur 2 continents différents qui ont en commun de nombreux emprunts à l’arabe et des mots qui s’agglutinent, j’ai nommé le turc et le swahili. Ces langues « collent ensemble » des petits bouts de sens qui peuvent se recomposer à l’infini et à l’envie. En swahili on ajoute à la racine des noms un préfixe, m-tu (personne), et on accorde le préfixe de l’adjectif, mtu mrefu (la grande personne) et on accorde le préfixe du verbe au sujet, mtu mrefu a-na-tembea (la grande personne se promène) en y ajoutant au milieu (na) un préfixe pour le temps. Mais il y …
- 4 mots pour un voyageur spatialChaque grande puissance spatiale a fabriqué un mot pour désigner le voyageur spatial. Le choix du mot s’est fait sciemment, illustrant un positionnement géopolitique. D’abord les Américains envoient des astronautes (1928), soit des navigateurs d’astres. L’URSS forge son propre mot en 1961, космонавт ou cosmonaute, le navigateur de l’univers. Les Européens en 1962 sont eux des navigateurs de l’espace. En créant un 3ème mot, les Européens évitent de s’aligner en pleine guerre froide avec un bloc plutôt que l’autre. Dans les faits aujourd’hui les spationautes ont plutôt tendance à être des astronautes, signal sans doute de la prééminence de l’imaginaire …
- Dés à histoiresJouer avec les mots pour s’inventer des histoires nécessite de l’entrainement, comme tout muscle cela se développe et s’entretient.Les Rory’s story cubes (dés à histoires) sont de parfaites altères pour muscler son imagination : sur chaque face du dé un petit symbole et en alignant les dés tour à tour on tisse à l’oral une histoire à deux ou à plusieurs. A chaque partie, les joueurs interprètent diversement les symboles et en fonction de leur culture d’origine attribuent des sens différents aux images. De même on peut jouer sur les niveaux d’abstractions. Le symbole de la balance peut être utilisé …
- Mots de famille – épisode 2On apprend aux enfants en France à vouvoyer les personnes âgées, à leur dire « monsieur » ou « madame« . C’est la façon de marquer notre respect pour nos aînés. Il ne faut surtout pas leur rappeler leur âge, la vieillesse en occident étant bien souvent vu comme l’arrivée de la faiblesse à fuir absolument. A l’inverse, les enfants parlant swahili s’adresseront de façon respectueuse aux vieux en les saluant d’un « shikamoo » mais leur diront « bibi » (grand-mère) ou « babu » (grand-père) même s’ils n’ont aucun lien de parenté. Les cheveux blancs sont salués et signe de sagesse. Il serait intéressant de changer de point …
- Pastoureau – les mots des couleursLe petit livre d’entretiens avec Michel Pastoureau permet de plonger rapidement dans chaque couleur et de voir comment ces mots quotidiens sont les résultantes de constructions sociales en éternelle reconfiguration, des constructions sociales elles-mêmes liées à la technique permettant leur création. Je l’ai relu pour les besoins de ce billet et il y a tant d’anecdotes géniales que je ne saurais laquelle choisir ! Je vous laisse donc le lire. Je fais un détour par une langue d’Afrique de l’Est qui marque clairement l’origine des couleurs. En swahili, seules 3 couleurs sont des adjectifs (qui de ce fait s’accordent) : …
- Mots de famille – épisode 1En apprenant les langues de nos voisins plus ou moins proches, de l’Espagne à la Russie et à la Turquie, les mots pour désigner les relations avec les membres de la famille sont assez similaires au français. Par contre quand on va un peu plus au sud les relations entre membres de la famille sont différents. Le swahili parle des oncles paternels comme d’un père aîné (baba mkubwa) ou cadet (baba mdogo) et des tantes maternelles comme d’une mère aînée (mama mkubwa) ou cadette (mama mdogo). Une camarade de classe congolaise nous expliquait qu’en lingala les oncles paternels étaient les …
- Question de point de vueUn même espace géographique, la mer Baltique en français, mais plusieurs dénominations. Les Lettons et les Lituaniens parlent de mer Baltique (en letton baltijas jūra, en lituanien baltijos jūra). Par contre les Estoniens parlent de mer de l’ouest, Läänemeri, quand ils regardent la Baltique. Sur la rive opposée, on parle de mer de l’est : Östersjön en Suède, Itämeri en Finlande, Østersøen au Danemark ou encore Ostsee en Allemagne. Cette différence d’appellations qui subsiste encore dans nos langues contemporaines concernant la Baltique peut paraître surprenante quand on compare avec la mer Méditerranée, que tous les peuples limitrophes appellent pareil. En …
- La langue des klaxonsUn petit logo sur les volants du monde entier. On l’actionne sans même y penser. Or chaque culture a adopté sa propre petite musique klaxonesque. Un nouveau langage à apprendre dès lors qu’on traverse une frontière. En France, le klaxon est le dernier recours d’après le code de la route et doit signaler un danger imminent. Bien souvent il est utilisé par les automobilistes impatients qui pensent verdir le feu en l’actionnant. En tant que piétonne, je sursaute de tout mon être à chaque occurrence le percevant comme agressif. Au Cambodge, c’est une façon de montrer sonorement qu’on partage la …
- Pronom et genreIl y a 3 ans à San Francisco, j’ai voulu en apprendre plus sur la résolution non violente de conflit. Dans une salle représentative de la diversité de San Francisco, l’organisateur nous demande de faire un tour de salle pour nous présenter : votre nom, votre organisation et le pronom avec lequel vous souhaitez qu’on s’adresse à vous. « Julia*, National Center for Lesbian Rights, she », « Tim*, juste curieux, they or ze » They ou ze ? C’est ainsi que j’ai entendu pour la première fois le pronom neutre et la première et la dernière fois que j’ai du dire « I am …
- Exercice d’empathie alphabétiqueCeci est une petite expérience de pensée. Au Cambodge tout ou presque est écrit en khmer et en anglais afin que les touristes ne soient pas trop perdus. Imaginons un instant que les rôles s’inversent, que les Khmers aient conquis le monde il y a quelques siècles et que tout soit doublé dans l’alphabet khmer. Comment nous sentirions-nous dans un pays qui est le nôtre mais où tout ou presque est écrit aussi dans une langue qui nous est incompréhensible ? Si les touristes khmers venus dans notre pays comprenaient mieux certains panneaux que nous mêmes ?
- Vérité en russe et en américain[Mis à jour le 17/02/2020] C’est toujours révélateur quand une langue a 2 mots pour décrire un concept qui n’en a qu’un dans sa propre langue. La langue russe a 2 mots pour parler de vérité : pravda (пра́вда) et istina (истина). Certains* ont même analysé cette spécificité avec les lunettes de la politique actuelle. Un ami russe m’a expliqué que pravda, aussi le nom du journal de propagande de l’USSR, était de fait négativement connotée. Istina est d’une certaine façon le niveau d’après de la vérité, la vérité fondamentale et inaltérable. En anglais tout comme en français, nous avons seulement un mot, plus proche …
Quelques ressources sur les langues glanées sur le chemin :
- Apprendre des langues via un catalogue open source :
http://www.openculture.com/freelanguagelessons - Apprendre plein de choses sur la langue arabe grâce à l’institut du monde arabe : https://vous-avez-dit-arabe.webdoc.imarabe.org/langue-ecriture
- Une semaine à Paris chaque année en septembre pour découvrir des langues dans tous les instituts culturels de la ville :
https://www.ficep.info/passeport-pour-les-langues#! - Les MOOCs de l’INALCO pour s’initier en ligne :
https://www.fun-mooc.fr/universities/Inalco/ - L’association Causons permet d’apprendre des langues (arabe, persan, russe pour le moment) avec des locuteurs natifs : causons.org
- D’autres blogs pour découvrir des villes et des cultures via des yeux d’expat : blog.courrierinternational.com
Enfin voilà également quelques livres qui m’ont beaucoup inspiré :
- Chaque mot est un oiseau à qui on apprend à chanter, Daniel Tammet
- Les langages de l’humanité, Michel Malherbe
- Les mots qui nous manquent, Yolande Zauberman et Paulina Mikol Spiechowicz
- La cité des mots, Alberto Manguel
- Les mots étrangers, Vassilis Alexakis
- Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau
- Confessions d’une fanatique de langues, Elizabeth Little
- L’éternité dans une heure, Daniel Tammet
- L’aventure des mots français venus d’ailleurs, Henriette Walter
Et puis des livres que j’ai repéré mais que je n’ai pas encore lu :
- Eloge de la traduction, Barbara Cassin
- You are what you speak, Robert Lane Greene
- In the land of invented languages, Arika Okrent
- Le français est à nous !, Maria Candea et Laélia Véron